«Jünger a suggéré que, pour se représenter
le nihilisme, il faut moins songer à des poseurs de bombes ou à de
jeunes activistes lecteurs de Nietzsche, qu’à des hauts fonctionnaires
glacés, des savants ou des financiers dans l’exercice de leur fonction.
Le nihilisme n’est rien d’autre en effet que l’univers mental requis par
leur état, celui de la rationalité et de l’efficacité comme valeurs
suprêmes. Dans le meilleur des cas, il se manifeste par la volonté de
puissance et, le plus souvent, par la plus sordide trivialité. Dans le
monde du nihilisme, tout est soumis à l’utilitaire et au désir,
autrement dit à ce qui est, qualitativement, inférieur. Le monde du
nihilisme est celui qui nous a été fabriqué.
C’est le monde du matérialisme appliqué,
la nature transformée en poubelle, l’amour travesti en consommation
sexuelle, les mystères de la personnalité expliqués par la libido, et
ceux de la société étudiés par la lutte des classes, l’éducation ravalée
en fabrique de spécialistes, l’enflure morbide de l’information
substituée à la connaissance, la politique rétrogradée en auxiliaire de
l’économie, le bonheur ramené à l’idée qu’en donne le tourisme de masse,
et, quand les choses tournent mal, la glissade sans frein vers la
violence.»
Dominique Venner